lundi 5 octobre 2009

Pour mémoire

Je me souviendrai toujours de son air interloqué, de l'indignation dont sa voix était empreinte. Pour elle, j'étais devenu une sorte de salaud, prêt à apporter mon plein consentement aux actes les plus abominables. Un peu comme si je souscrivais aux incantations d'un Ahaminedjad, comme si je possédais dans ma bibliothèque les oeuvres complètes de Robert Faurisson, dédicacées par l'auteur pour comble du déshonneur.
J'étais le complice aveugle d'un acte barbare, que tout être conscient réprouve instinctivement.
Elle se ravisa assez vite devant la défense que je lui fis de ce citoyen franco-polonais qui subit actuellement les foudres de la justice américaine. J'avais des antécédents. La preuve, je compte sur les étagères poussiéreuses de ma chambre en désordre, la discographie complète de Noir Désir. Aussi, c'est avec un regard suspicieux qu'elle guetta ma réaction lorsque l'on annonça la remise en liberté de Bertrand Cantat. À coup sûr, je devais me réjouir de cette libération, sans considérer la souffrance de la famille de la victime.
Et puis je suis un peu gauchiste sur les bords, ce qui constitue une faiblesse morale en soi. À considérer que dans les prisons, il se trouve peut-être des salauds, mais que même un salaud a le droit à un traitement humain, j'étais déjà fautif, prêt à accorder mon blanc-seing, à la cohorte des crapules sous de fumeux prétextes philosophiques, étriqués et tortueux.
Un apôtre du relativisme, en somme.
« Le talent n'excuse rien !», me dit-elle, péremptoire. Comment ne pas souscrire à pareille sentence? Or de question de réfuter ceci, comme on ne pardonne pas à Céline d'avoir été antisémite, d'avoir été un sinistre pousse au crime, mettant tout le génie de sa verve misanthropique au service de l'ignoble.
Alors, pour défendre ma position, devant ses argumentations carrées, je lui fis observer, qu'aucune société ne pourrait survivre, si elle ne s'accordait pas le droit de pardonner certains écarts, à moins de vivre dans un état de guerre civil permanent.
Qu'un être, sans être passé par la case Prison, peut avoir payé sa dette, et exprimer des regrets sincères, auquel on peut être sensible, sans pour autant lui signer un chèque en blanc.

Oui, mais il est des crimes imprescriptibles, que rien ne saurait excuser.
J'étais prêt à lui donner raison. À considérer que mon soutien était déplacé, que Polanski était une ordure finie, qui avait préféré la fuite à assumer ses actes. Que ses avocats avaient arraché le pardon de la victime, par un procédé biaisé, au vu de la menue somme de 500 000 dollars empochée par Samantha Geimer.
Et puis, à défendre Roman Polanski, je me trouvais aux côtés de cette élite parisienne, sourde aux réalités populaires, et vautrée dans le confort, totalement insensible aux souffrances humaines.
J'étais donc en voie d'amender ma position, de bousculer mes schémas intellectuels. Cette même semaine, où l'on avait mis sous écrou l'auteur du Bal des Vampires, on nous a évoqué la disparition tragique d'une joggeuse, sauvagement assassinée, preuve que les détraqués ne sont jamais à l'abri de la récidive. J'allais emboîter le pas de la meute, vociférer contre ces tarlouses d'intellectuels, qui émettent des réserves sur la saine idée de la castration chimique. Pour peu, l'idée de réintroduire le coupe-cigare du bon docteur Guillotin, ne m'aurait pas effrayé des masses.

Et puis mon esprit fit un saut en arrière dans le temps, s'arrêta sur la date du 25 juin, où la planète fut ébranlée, et accablée par le chagrin. C'est en effet le jour funeste où Michael Jackson trépassa, laissant des millions de fans dans le plus profond des désarrois. Nos journaux du soir s'ouvraient sur le générique de Thriller, et durant les semaines qui suivirent, il n'était plus question que du mystère entourant son décès, des tragiques fautes du Docteur Muray. Alors que l'horreur économique était à son paroxysme, que les miséreux de par le monde semblaient condamnés à d'éternelles souffrances, nous devions tous impérativement, partager le chagrin de la famille de « Bambi », se précipiter à la FNAC pour claquer nos maigres revenus à l'achat de la discographie du défunt Roi de la Pop. Des esprits tatillons et sournois, firent observer l'aspect obscène de cette communion forcée au chagrin. On oublia, comme on sait parfois si bien le faire, les manquements de ce génie androgyne, qui entretenait pour les petits garçons, de coupables penchants. La justice, (comme ses carences en mélanine), il est vrai, l'avait blanchi. On passa outre le fait que Jackson avait à son service, tout un bataillon d'avocats véreux, qui surent dénicher les failles dans le dossier d'accusation, pour obtenir la clémence du tribunal. Ces mêmes avocats talentueux, experts en plaidoiries et failles dans le dossier, qu'ils auraient pu nous arracher les larmes au procès de Klaus Barbie, si le tortionnaire nazi avait daigné en faire ses défenseurs.

C'est en me souvenant de ce 25 juin que j'ai basculé à nouveau. Ce jour-là, celle qui me voit dornéavant comme l'ami des pédophiles, avait esquissé une moue des plus tristes à l'annonce de la mort de Michael Jackson.
À cet instant, je me suis mis à table d'écriture, et j'ai envoyé un billet à ce citoyen Franco-polonais qui réside désormais dans une prison de Zurich. « Tu vois Roman, tu aurais su danser le moonwalk, tu n'en serais sans doute pas là aujourd'hui! ».

3 commentaires:

  1. Content de te retrouver ici et de pouvoir profiter de ton écriture habile.
    A bientôt :)
    Miss Mirabelle

    RépondreSupprimer
  2. Et tellement d'accord avec ton article!

    RépondreSupprimer
  3. Bravo. Et merci pour voutre soutien.
    Je vous bloguerolle pour la peine

    RépondreSupprimer