lundi 19 octobre 2009

Ambition secrète

Il adviendra un jour, où l'audace, et l'allant ne faisant plus défaut, on ira planter notre tente au milieu d'un désert rocailleux en Espagne ou ailleurs.
Où l'on aura au préalable délaissé la Rue Victor Cousin, et l'infame salariat, non sans avoir omis de partir sur un ultime coup d'éclat.

Le script en poche, on vacquera dans le désert d'Almeria, avec une équipe de tournage motivée. Du matos dernier cri, des comédiens inspirés, et des techniciens dévoués nous accompagneront dans ce qui constituera une aventure artistique qui résonnera longtemps après son terme, comme une retentissante épopée sauvage.

Reprenons. Nous aurons détroussé quelques producteurs, lancé une vaste souscription populaire, et racketté quelques bobos qui arpentent leur nonchalance et leur suffisance dans les troqsons de Ménilmontant.

Nous filmerons l'odysée de deux frères, Buddy, et Jeremiah, qui à eux seuls, auront eu le mérite de réécrire l'histoire du Monde.
Nos deux amis, durant la meutrière guerre de Sécession, enrôlés de force chez les Yankees pour mieux échapper à la justice suite à l'assassinat d'un petit souteneur new-yorkais, désertent à l'approche de la fin des combats. Ils vont de larcins en rapines, pillent quelques églises, font couler d'innombrables gouttes de sueur au front des propriétaires terriens, ou des rapaces des compagnies privées de chemin de fer, qui formentent de s'approprier tout l'Ouest américain jusqu'en Californie. En condamnant les tribus indiennes, à l'exode et à la famine.

Buddy et Jeremiah regagnent par le plus grand des hasards, une communauté fouriériste, une des rares qui ont survécu parmi celles qui essaimèrent dans la première moitié du dix-neuvième siècle en Amérique du Nord.

De là, ils organisent la résistance au capitalisme sauvage en germe au pays de Lincoln, sont rejoints par des esclaves affranchis des Etats du Sud, des Indiens athéistes, et des migrants juifs qui fuient New-York, où la carpe s'épanouit assez mal dans l'Hudson River.

La contagion gagne tout le territoire américain. C'est tout un continent qui va s'enflammer par la suite. Ce nouveau monde promis à toutes les infamies devient le modèle de civilisation le plus abouti. En effet, dans les assemblées délibératives où tout le monde peut siéger, on applique la démocratie directe. On entretient un respect profond pour ces paysages à l'ennivrante beauté. On suspend aux derniers gibets en place, quiconque entreprend des attitudes capitalistes.
Avant que le Vieux Monde ne succombe sur toute la surface du globe, on aura pris le temps de s'épanouir. On aura pas attendu que de sinistres tacherons californiens confectionnent du vin, en espérant que leur piquette concurrence le Nuit Saint Georges. Celui que ces hommes-là auront fabriqué sera de meilleure facture.

De cette façon, on évite le vingtième siècle meurtrier, avant le règne de la techno-surveillance du nôtre. On évitera ainsi Kissinger, les caudillos sud-américains, Claude Lelouch, et l'interdiction de fumer dans les bistrots. Tout ce qui peut faire horreur en somme. Le tout sans avoir lu Marx.

Qui signe?

lundi 5 octobre 2009

Pour mémoire

Je me souviendrai toujours de son air interloqué, de l'indignation dont sa voix était empreinte. Pour elle, j'étais devenu une sorte de salaud, prêt à apporter mon plein consentement aux actes les plus abominables. Un peu comme si je souscrivais aux incantations d'un Ahaminedjad, comme si je possédais dans ma bibliothèque les oeuvres complètes de Robert Faurisson, dédicacées par l'auteur pour comble du déshonneur.
J'étais le complice aveugle d'un acte barbare, que tout être conscient réprouve instinctivement.
Elle se ravisa assez vite devant la défense que je lui fis de ce citoyen franco-polonais qui subit actuellement les foudres de la justice américaine. J'avais des antécédents. La preuve, je compte sur les étagères poussiéreuses de ma chambre en désordre, la discographie complète de Noir Désir. Aussi, c'est avec un regard suspicieux qu'elle guetta ma réaction lorsque l'on annonça la remise en liberté de Bertrand Cantat. À coup sûr, je devais me réjouir de cette libération, sans considérer la souffrance de la famille de la victime.
Et puis je suis un peu gauchiste sur les bords, ce qui constitue une faiblesse morale en soi. À considérer que dans les prisons, il se trouve peut-être des salauds, mais que même un salaud a le droit à un traitement humain, j'étais déjà fautif, prêt à accorder mon blanc-seing, à la cohorte des crapules sous de fumeux prétextes philosophiques, étriqués et tortueux.
Un apôtre du relativisme, en somme.
« Le talent n'excuse rien !», me dit-elle, péremptoire. Comment ne pas souscrire à pareille sentence? Or de question de réfuter ceci, comme on ne pardonne pas à Céline d'avoir été antisémite, d'avoir été un sinistre pousse au crime, mettant tout le génie de sa verve misanthropique au service de l'ignoble.
Alors, pour défendre ma position, devant ses argumentations carrées, je lui fis observer, qu'aucune société ne pourrait survivre, si elle ne s'accordait pas le droit de pardonner certains écarts, à moins de vivre dans un état de guerre civil permanent.
Qu'un être, sans être passé par la case Prison, peut avoir payé sa dette, et exprimer des regrets sincères, auquel on peut être sensible, sans pour autant lui signer un chèque en blanc.

Oui, mais il est des crimes imprescriptibles, que rien ne saurait excuser.
J'étais prêt à lui donner raison. À considérer que mon soutien était déplacé, que Polanski était une ordure finie, qui avait préféré la fuite à assumer ses actes. Que ses avocats avaient arraché le pardon de la victime, par un procédé biaisé, au vu de la menue somme de 500 000 dollars empochée par Samantha Geimer.
Et puis, à défendre Roman Polanski, je me trouvais aux côtés de cette élite parisienne, sourde aux réalités populaires, et vautrée dans le confort, totalement insensible aux souffrances humaines.
J'étais donc en voie d'amender ma position, de bousculer mes schémas intellectuels. Cette même semaine, où l'on avait mis sous écrou l'auteur du Bal des Vampires, on nous a évoqué la disparition tragique d'une joggeuse, sauvagement assassinée, preuve que les détraqués ne sont jamais à l'abri de la récidive. J'allais emboîter le pas de la meute, vociférer contre ces tarlouses d'intellectuels, qui émettent des réserves sur la saine idée de la castration chimique. Pour peu, l'idée de réintroduire le coupe-cigare du bon docteur Guillotin, ne m'aurait pas effrayé des masses.

Et puis mon esprit fit un saut en arrière dans le temps, s'arrêta sur la date du 25 juin, où la planète fut ébranlée, et accablée par le chagrin. C'est en effet le jour funeste où Michael Jackson trépassa, laissant des millions de fans dans le plus profond des désarrois. Nos journaux du soir s'ouvraient sur le générique de Thriller, et durant les semaines qui suivirent, il n'était plus question que du mystère entourant son décès, des tragiques fautes du Docteur Muray. Alors que l'horreur économique était à son paroxysme, que les miséreux de par le monde semblaient condamnés à d'éternelles souffrances, nous devions tous impérativement, partager le chagrin de la famille de « Bambi », se précipiter à la FNAC pour claquer nos maigres revenus à l'achat de la discographie du défunt Roi de la Pop. Des esprits tatillons et sournois, firent observer l'aspect obscène de cette communion forcée au chagrin. On oublia, comme on sait parfois si bien le faire, les manquements de ce génie androgyne, qui entretenait pour les petits garçons, de coupables penchants. La justice, (comme ses carences en mélanine), il est vrai, l'avait blanchi. On passa outre le fait que Jackson avait à son service, tout un bataillon d'avocats véreux, qui surent dénicher les failles dans le dossier d'accusation, pour obtenir la clémence du tribunal. Ces mêmes avocats talentueux, experts en plaidoiries et failles dans le dossier, qu'ils auraient pu nous arracher les larmes au procès de Klaus Barbie, si le tortionnaire nazi avait daigné en faire ses défenseurs.

C'est en me souvenant de ce 25 juin que j'ai basculé à nouveau. Ce jour-là, celle qui me voit dornéavant comme l'ami des pédophiles, avait esquissé une moue des plus tristes à l'annonce de la mort de Michael Jackson.
À cet instant, je me suis mis à table d'écriture, et j'ai envoyé un billet à ce citoyen Franco-polonais qui réside désormais dans une prison de Zurich. « Tu vois Roman, tu aurais su danser le moonwalk, tu n'en serais sans doute pas là aujourd'hui! ».