vendredi 1 juillet 2011

A mon ami l’alpagueur



 Trois mois. Tu me dirais, c’est pas si sévère, au vu de ce que certains ont mangé pour le même forfait. Jacques Clément, Ravaillac, François d’Amiens, Caserio, Emile Cottin, le tas d’enragés du Petit Clamart. Tu t’inscris dans une longue tradition, bonhomme… Régicide, tyrannicide, présidenticide ! Ton nom aurait pu figurer aux côtés de ces furieux qui s’en prirent par le poignard, la bombe, ou la mitrailleuse,  à l’incarnation du pouvoir de leur temps pour des motifs plus ou moins nobles.

Mais à l’inverse de cette masse d’enragés précités, tu n’as pas eu l’intention de tuer le chef de l’exécutif, mais juste de le chiffonner un peu. Et tu as bien du mérite, vu comment le zigoto en question est suivi à la trace par un bataillon de gardes du corps pareils à des mouches au cul d’une Blonde d’Aquitaine.

Oui, tu as bien du mérite, car à la façon dont tu t’es assuré que le costard du Président était confectionné à partir d’une étoffe solide, les mastards ont fondu sur ta personne avec application. J’imagine la douleur que tu as ressentie suite à la clé de bras que les larbins bodybuildés en question ont effectué sur ta personne. J’imagine aussi la gueule du juge qui a prononcé ta peine. Je suppute que l’accueil que te feront tes codétenus en prison sera des plus chaleureux. On t’excusera même d’être sans le sou et de ne posséder aucune ressource pour cantiner. Tu bénéficieras peut-être d’un accès privilégié à la salle de sport, et qui  sait, les matons seront peut-être indulgents avec toi.

Hermann, sache qu’on est plusieurs ici à te témoigner notre soutien le plus entier. Beaucoup d’entre nous aimeraient posséder un peu de ce courage et de cette audace pour laquelle la Justice de la République te condamne aujourd’hui.

Déjà les médias qui marchent au pas de la talonnette présidentielle te dépeignent comme névrosé, inapte à la vie sociale, gagné par la rancœur suite à une désillusion amoureuse. Une condescendance qui vise à ôter toute signification politique à ton geste. Un employé de conservatoire municipal sclérosé du bulbe ne pèse en effet pas lourd face à l’homme qui dans son action quotidienne s’efforce de moraliser la finance internationale. Sans présager de rien, je suis au demeurant certain qu’à l’inverse de ta victime, tu n’as jamais fait reluire dans ton plumard un ancien mannequin transalpin refait du sommet du crâne à la racine des arpions. Non, on t’oubliera vite, et on rangera le citoyen venu demander des comptes au laquais en chef des possédants dans la catégorie des exaltés bons pour demeurer perpétuellement dans une chambre aux murs capitonnés.   

Le président n’a pas porté plainte. Par le passé, à l’issue d’autres de ses déplacements où la foule lui criait sa colère, des préfets avaient été débarqués, des fonctionnaires de Police mutés sur de lointains ilots du Pacifique Sud. Vu qu’aujourd’hui, Sarkozy se « représidentalise », selon la bignolante formule consacrée, ceux-là n’auront rien à craindre. D’une grande mansuétude, notre chef bien-aimé des oligarques, fera peu cas de ton geste, et poussera même l’audace jusqu’à te convier un après-midi chez lui pour causer un peu, va savoir. C’est que d’ici moins d’un an, celui-ci risque d’avoir des trous dans son agenda…
Les seules informations à ton sujet font état que tu as des lectures subversives et un attrait poussé pour les musiques qui réchauffent l’âme quand celle-ci est endolorie à force d’évoluer dans ce mal-foutu monde. Un point de plus pour toi. Décidemment, on a tout pour s’entendre.

Ton fait, noyé dans la surcharge d’informations qui se déversent dans les Mass Merdias,  n’intéresse déjà plus grand monde. C’est marrant « l’actualité » comme ils disent. Un prince monégasque aux allures équivoques épouse une nageuse bâtie comme mon tonton, celui qui est déménageur. Un célèbre amidoneur de col de chemises pour soubrette d’origine guinéenne va recouvrer la liberté puisque la négresse en question n’est qu’une affabulatrice intéressée comme toutes celles de son espèce par le fric et la possession intempestive de smartphones. C’est ce qui fait causer dans les gazettes. On en oublie la vaillance des grecs, et le cinquantenaire de la mort de Céline. Dur…
Mais pour ce qui me concerne, je te garde mon estime, mon souvenir ému, et te garantit que d’ici peu, les mauvais jours finiront.

dimanche 15 mai 2011

La grâce d'une femme de chambre

Il m’a fallu descendre une bouteille de whisky entière pour me donner du courage avant de descendre au bureau de vote. En descendant vers la salle d’école primaire où l’on joue à la démocratie quelques Dimanches de l’année, j’ai manqué plusieurs fois de m’étaler sur le sol à la façon d’une merde de chien. Mes gambettes s’enfoncent irrésistiblement dans le sol, j’avance à genoux. Parvenu sur le perron de l’école, quelques électeurs me dévisagent avec dédain. Je leur rétorque qu’accomplissant mon devoir de citoyen à l’inverse de ces tordus d’abstentionnistes, je ne mérite aucunement la foudre de leurs regards. J’ajoute également que leurs tronches de CSP+ devraient être à la fête : leur candidat est assuré de gagner.

C’est le mois de mai, et il fait pourtant un temps de chiotte. Dans la file menant aux isoloirs, les citoyens portent tous des vêtements de pluie trempés. On manque de glisser à nouveau sur le lino avec les rigoles qui s’écoulent des k-ways des braves gens. Aux assesseurs, je soutiens que je ne prendrai qu’un seul bulletin. Que ça m’est déjà assez difficile de devoir voter pour « Machin », le sauveur à tous les pétochards, ces tartes friandes de cures d’austérité. « Monsieur, c’est dans l’isoloir que vous donnerez votre avis » me dit un assesseur avec une gueule de puceau, que l’on se demande par pour qui il vote.


Comme cinq années auparavant, en sortant de l’isoloir, je crains d’avoir fait une connerie. J’en ai fait une belle, c’est certain, c’est ce qu’on fait de plus courant dans un bureau de vote, mais là, c’est un peu plus grave. On m’a supplié de voter « Machin », et pas « Petit Machin ». Et je crains dans la précipitation d’avoir mis « Petit Machin » dans l’enveloppe plutôt que « Machin ». Mais je ne plus faire marche arrière. Les braves citoyens derrière l’urne me font signe d’avancer vers eux. Du fait de William Peel, j’ai du mal à tenir le stylo qu’on me tend pour signer en face de mon nom sur le cahier prévu à cet effet. Et pour mettre l’enveloppe dans l’urne funéraire pour les rêves, ça été du même tonneau. J’ai manqué de basculer en arrière quand le quinquagénaire socialiste bon teint actionna l’ouverture de la fente, impérieux et grave comme toujours dans ces moments-là. « A voté » tonne-t-il dans le demi-silence de la salle de classe désertée des poulbots de mon quartier.



Si je me suis déplacé, c’est pour faire plaisir aux copains et aux parents. Je n’avais envie que d’une seule chose en ce dimanche. Déjà de me remettre de la chouette biture de la veille au soir dans un bar de la Rue de Charonne. Les copains et moi, on s’était retrouvés-là, à demi-résignés, en se disant qu’on allait voter « Machin », l’économiste infaillible. Au sortir du premier tour, on se disait qu’on avait le devoir de voter blanc. Sauf que la médiacratie nous a fait le coup du « Petit Machin » sort renforcé du premier tour », et qu’on a flippé comme des lapins le jour de l’ouverture de la chasse. Qu’après tout « Machin » s’était résolu à faire des concessions sur sa gauche. Nos mamans ont tonné comme des buffles lorsqu’on leur concédait nos envies de voter blanc ou de glisser des poils de nos zézettes et de nos pilou-pilous dans l’urne. Leur faire un nouveau pied de nez à tous ces affreux, s’offrir l’occasion de leur signifier notre plus profond mépris ! Seulement, nos copines ont eu de la ressource pour nous inculquer le civisme et la pétoche, ce qui revient à peu près au même. Elles craignent qu’on morfle à vie, précarisés à jamais… « Machin » a certifié qu’au lendemain de son élection, ce serait « CDI pour tout le monde ». Donc, on est allés voter, parce qu’on est foncièrement lâche.
J’aurais vraiment préféré en ce dimanche pluvieux rester dans ma mansarde. Le matin au marché, j’aurais fait achat d’un poulot fermier, rôti, doré… Je l’aurais dépecé avec soin avant de le bouffer en entier, en commençant bien sûr par le croupion…. Un petit vin de Touraine frais eût constitué un bon compagnon d’agape solitaire.
Seulement, les autres, la trouille, la petite amie qui trépigne, qui fait chier… alors, on s’est déplacé pas beau, et on a voté pour « Machin ». Ce soir, on éteint la télé. Et on dort à poings fermés, par delà les mous, les affreux.

Nous avons appris, pas trop déçus ce matin, que ce scénario annoncé resterait par la grâce d’une femme de chambre dans les tiroirs de l’Histoire. On a beau être fauché, peu inspiré, familier des crises d’angoisse, on ne déchante pas trop.



vendredi 18 mars 2011

140 piges et toujours là


-Pourquoi que tu t'es jeté sur la bouteille de Chénas ce matin? Je te savais poivrot, mais à ce niveau-là...
-Plus de champagne au frais, donc j'ai pris ce que j'avais sous le tire-bouchon.
-Je veux bien, mais avec cette actualité si désespérante, quelle raison valable pour se murger dès potron-minet?
-Une très bonne et vieille amie fête son anniversaire aujourd'hui. Je le célèbre avec elle par procuration vu qu'elle est allée prendre le soleil de l'autre côté de la Méditerranée, après avoir été vue en Grèce où elle effectue depuis au moins trois ans des séjours réguliers.
-Je la connais, cette grue?
-Oui. Elle est née sur le flan d'une butte le 18 mars 1871. Ce jour-là, elle annonça sa naissance à un gouvernement fantoche et capitulard de la plus éclatante des façons, en faisant assassiner deux de ses généraux prêts à faire couler le sang parisien. A peine née, elle était déjà très bavarde, la môme.
-Attends, tu me dis quelque chose là...
-C'est la Commune, bécasse! Tu sais, celle "d'un sang qui coula rouge et noir /d'une révolution manquée qui faillit renverser l'histoire".
-Ah, oui ces "sardanapales ivres de vitriol" de communards, fustigés en ces termes par Cattule Mendès. Cette révolte "semie-ouvrière et semie-policière" ralliée par Léon Daudet. Ces massacreurs d'évêques, ces pue-la-sueur en furie qui n'hésitèrent pas à incendier l'hôtel de Ville.
-Oui, on parle bien d'un des épisodes les plus réjouissants de l'histoire du prolétariat mondial, avec Octobre, et celle des Partisans dynamiteurs d'aqueducs et de nazis durant la Seconde Boucherie Mondiale. Je te parle d'une môme turbulente en diable, un peu légère, c'est vrai. Elle se serait attaquée à la Banque de France et aurait su marcher sur Versailles que son triomphe en aurait été total. Qu'elle n'aurait pas fini atrocement mutilée à coups de chassepot. Mais elle s'en est sortie à terme. Elle reviendra et annoncera des lendemains qui chantent pour de vrai.
-C'est  toi qui le dit. Rien n'est moins certain. Le peuple de Paris est-il prêt à se soulever aujourd'hui?
-Mais il se soulève le peuple de Paris! Quand il n'a pas la wi-fi au Starbucks, quand le prix de la botte de topinambours chez Naturalia connait une hausse exponentielle. Il se barricade aussi : dans des immeubles à digicodes et portse blindées, surveillés par des nervis à nuque rase qui durent faire leurs preuves dans la défunte police de Ben Ali.
-Mais y-a-ti-il encore un peuple à Paris?
-A sa périphérie, oui.
-Et l'espoir dans tout ça?
-Jamais défunt, quoiqu'on en dise. Malgré les manipulations des sondeurs d'opinions, qui feraient mieux de sonder leur trou du cul; malgré les oligarques tous plus foireux les uns des autres, ou encore des socialistes qui s'affirment gestionnaires de la misère planétaire. Moi, j'y crois, à l'insurrection qui vient.
-Elle est pas un peu ridée, ta pote? Les communards, où sont-ils?
-Partout! Les enfants de ma copine sont peut-être invisibles dans ton Jité du soir, dans les colonnes des torchons de la bourgeoisie, mais laisse leur le temps. On verra leur triomphe, le nôtre, de notre vivant.
-Et avant ça, tu me sers un coup de beaujolais?
-Avec une pointe de sirop de cassis au fond. On appelle ce coquetèle un communard, et c'est pas pour rien.
-Allez, gai rossignol, mon merle moqueur... Je froisse une dernière fois mon coude à lever mon verre aux insurgés de par le monde. Mais, après on arrête de se murger : demain y'a révolution, car tous les pauvres s'y mettront! Car tous les pauvres s'y mettront!

samedi 15 janvier 2011

Les bourreaux meurent aussi

D'évidence, il apparait prématuré de se réjouir du départ précipité de Ubu Ben Ali du pays qu'il maltraitait depuis 23 ans. Car le peuple tunisien n'a pas encore investi les rênes d'un pouvoir qui ne lui est jamais revenu. Colonialisme, despostisme éclairé, jusqu'à cette obscure clique de népotes décadents réduits aujourd'hui à détaler comme des rats; si il est un peuple qui a témoigné d'une formidable réserve de patience, avant de nous offrir une étincelante et magnifique démonstration de courage, ce sont bien nos copains du pays du Jasmin.

Pour avoir été de nombreuses fois en Tunisie, le plus souvent malheureusement sans s'écarter des travées d'une laideur sans pareille de cette singulière horreur que constitue le tourisme charterisé, on se sent évidemment plus réceptifs encore à ce bel élan populaire.

On leur souhaite, aux Tunisiens, de transformer cet essai si chèrement acquis, au prix d'une centaine de morts, et d'exactions policières d'un autre âge. 

Et à l'instar de Fritz Lang, qui sur un scénario de Brecht consacra un film éblouissant au courage du peuple de Prague sous la terreur nazie, on se réjouit, en disant que: "les bourreaux meurent aussi". 
  

samedi 20 novembre 2010

Le casse-pattes nouveau est là



-Moi j'y trouve un goût de Framboise...
-Sluuuurpppp!! Ahhh...
-A quoi ça te sert de déglutir comme ça?
-C'est pour  y trouver des arômes... Banane, pour moi!
-Ouais pas faux! Sluuuurpppp... Baies sauvages et bouquet de violettes aussi!
-C'est le Gamay, ça!
-Non, c'est du Cabernet Franc en fait...
-Sluuuuuuurppppp! Y'a un petit tapis de cassis quand même!
-Mouais, moi j'dirais plutôt cerise noire.
-Bof, l'est tout de même un peu inspide pour renifler la griotte.
-Slllurrrrrrrppp! Ahhh... Doliprane!
-Quoi!?
-On joue les esthètes de la vigne, mais chaque année, avec le Beaujolpif' nouveau, la seule chose dont on se souvient après la dégustation, c'est le bon goût du paracétamol dans l'oesophage au lendemain matin.
-Pas faux. Sluuuuuuuurrrrrrrrp!